Hommage à Jean Villalard

Aujourd’hui, nous saluons un ami qui avait toute les qualités d’un juste !

Une belle personne qui faisait l’unanimité auprès des artistes de l’association. Son calme rieur, son humour bonhomme, sa douceur songeuse, sa générosité quand il invitait des artistes dans son atelier, une présence familière dans l’association au fil des ans.

Il avait rejoint l’association d’Anvers aux Abbesses en 2004. Alors jeune retraité, il entrait en peinture dans l’atelier de Marie-Thérèse Delanoy entre autre et depuis une petite dizaine d’année se consacrait à ses recherches picturales. Il avait du temps et
souhaitait s’engager à nos côtés.

Jean, tu aimas participer aux différentes manifestations artistiques que nous organisions comme en 2005, les 60 ans du premier vote des femmes françaises ou les 10 ans de la chute du Mur de Berlin, boulevard Rochechouart ou bien encore les expos en 2015 et 2017, à la Tour-des-Dames sur la solidarité internationale, des thématiques auxquelles tu adhérais naturellement.

J’ai aussi eu l’occasion de te proposer d’exposer en 2010 à Saint-Pierre-de-Montmartre dans la salle Art-Culture-&-Foi. LES DÉRACINÉS en était le titre. Les terres des horizons lointains de tes tableaux côtoyaient les corps de filasse. Genoux à terre, mains levées au ciel, les déracinés rejoignaient nos corps et touchaient nos âmes !

Pour les PO d’AAA, dans les premières années tu étais un peu comme ces populations itinérantes entre la rue André-del-Sarte, l’Espace Boris Vian (aujourd’hui menacé) et surtout accueilli à maintes reprises à l’Œil du 8 chez Emmanuelle. Puis, enfin en 2016 dans ton nouvel atelier rue Labat, tu accueillais à ton tour différents artistes qui n’avaient pas de lieu pour les PO.

Récemment en 2024, nous étions heureux que tu sois le lauréat des Émiles et de voir ainsi l’une de tes œuvres, une petite sculpture humaine, entrer dans la collection de l’association. Ce fut également le prétexte de t’offrir une exposition monographique d’une semaine, rue Ramey. Tu choisis «ŒKOUMÈNE» comme titre. La géographie et la pratique artistique s’unirent cette fois encore dans ton travail. Espace de vie des hommes à la surface de la planète, exprimé et revisité par le geste et la matière qui te guidait à la surface de la toile.

Ce renouvellement dans ton œuvre avec le bitume, matière remuante et encore inhabituelle, bel exemple pour nous autres artistes juniors de ta façon de se réinventer.

Nous sommes très heureux d’avoir partagé avec toi cette dernière exposition en ta présence et de t’entendre raconter ta vie dans sa diversité, qui semblait t’étonner toi-même, et ton culot te faisait bien rire.

Il est plus sage de te laisser la parole :

« Dans mon enfance, c’est avec le bitume qu’on calfatait les coques des Sinagots dans le golfe du Morbihan. Je suis face à la toile ou au-dessus d’elle, guidé par le geste dans une interrogation permanente de ma relation à la matière fluide ou solide, aux traces accidentelles, aux couleurs pures des pigments, des terres, du bitume.

La couleur noire du bitume c’est la couleur des origines. Le pétrole s’est fait lumière, quand il a remplacé l’huile des lampes. Cette lumière qui provient du plus profond de la terre, c’est celle du bitume, celle qui jaillit de sa couleur sombre mais qui décline aussi toutes ses nuances, brûlures, cicatrices, calcinations.

Cette matière, je ne l’associe pas à l’huile, mais à l’acrylique. Les corps gras s’embrouillent, l’acrylique au contraire s’entend bien avec l’état visqueux du bitume. Au contact du support, le bitume associé à d’autres matières se répand en tâches plus ou moins opaques, aux contours plus ou moins définis, la tâche se dévore d’elle-même puis elle renaît en des transparences subtiles. Plus cette matière noire résiste, plus on veut la dompter, mais elle se rie de nous allant là où elle veut et prend position sur le support sans demander notre avis, rebelle, rebelle toujours ».

« Je travaille obstinément la matière et l’inscription de l’homme dans la matière tout en cherchant à résoudre les problèmes plastiques. Couche par couche, trace par trace, je suggère la traversée des passages qui nous amènent jusqu’à l’essence, où se révèlent et se tissent les liens entre la nature et la culture ».

Merci Jean !

Et maintenant repose en paix, veille sur nous et comme l’on dit en Afrique : Que la terre te soit légère !

Kenavo !